Premier texte
 
Pierre Bourrinet naquit à Piégut-Pluviers dans le Nontronnais, le 10 mai 1865.
C'est l'attachement au sol natal qui le ramena près du berceau de son enfance, dans ce petit bourg de Teyjat qu'il devait sortir de l'obscurité et faire connaître aux préhistoriens du monde entier comme importante station de l'époque magdalénienne.
Il fit ses premières études à l'école de Piégut, puis, en 1880 il entra à l'Ecole Normale de Périgueux.
Il en sortit en 1883 et exerça aussitôt à Busserolles en qualité d'instituteur-adjoint.
C'est là qu'il connut celle qui devait devenir sa dévouée compagne.
Nommé ensuite dans d'autres postes, notamment à Thiviers, et à La Gonterie-Boulouneix, il fut enfin appelé à la direction de l'école de Teyjat en 1893. Il ne devait en partir que pour prendre sa retraite en 1924.
Travailleur infatigable, instituteur zélé, il s'occupa de toutes les œuvres post-scolaires : cours d'adultes, conférences populaires illustrées de projections, cantines scolaires, etc.
Grâce à son initiative ses élèves trouvaient à l'auberge du village, un repas chaud à midi.
Il assumait aussi le secrétariat de Mairie.
Aimable, souriant et serviable, il avait une rare indépendance de caractère qui lui fait le plus grand honneur.
Son zèle, son dévouement furent d'ailleurs officiellement reconnus, car il obtint de  nombreuses récompenses soit de la  Société des Conférences Populaires, soit du Ministère de l'Instruction Publique et du Ministère de l'Agriculture.
Ses recherches préhistoriques lui firent décerner en 1912, le titre d'Officier d'Académie.
En 1905, il s'était vu attribuer la médaille des épidémies pour héroïsme civique.
Et ce dévouement aux malades, à ceux qu'un mal implacable conduisait vers la mort, ne se démentit jamais.
On était sûr de le trouver toujours près de ceux que le malheur accablait.
Ses loisirs, ses vacances, il les consacra — avec quel enthousiaste désintéressement! — aux recherches qui devaient nous faire mieux connaître l'histoire des premiers hommes, et en particuliers, les civilisations du paléolithique supérieur.
Dans la Grotte, dite de la Mairie, où M. Peyrony avait découvert trois panneaux gravés, M. Bourrinet eut la chance d'en trouver cinq autres.
Des bisons, des chevaux, des vaches et des bœufs, des rennes, des cerfs, des ours y sont gravés au burin en des attitudes très vivantes.
Ces fouilles longues et pénibles, méthodiquement conduites, lui donnèrent encore de nombreux outils en silex : perçoirs, burins, grattoirs, etc. ; des boules d'ocre, des outils et des armes d'os et d'ivoire souvent gravés ; des objets de parure, etc. ; une tête de cheval quartenaire en jayet, qui figurent au Musée des Antiquités Nationales de Saint-Germain-en-Laye.
À l'Abri Mège, il découvrit une très intéressante industrie lithique magdalénienne, comprenant des grattoirs, des burins, des lames appointées et de nombreux outils microlithiques (plus de 600). C'est dans ce gisement qu'il eut la joie de recueillir un superbe bâton de commandement sur lequel sont finement gravés douze dessins.
En 1908, il avait fait des fouilles à la Grotte des Grèzes, à cinq kilomètres de Teyjat. Mais ce gisement moustérien avait été en partie détruit par les travaux exécutés sur la voie ferrée.
Cependant, M. Bourrinet y recueillit une très belle industrie moustérienne et des coprolithes d'hyène, qui prouvent que l'habitat était fréquemment visité par ces animaux.
Dans une plaquette intitulée: Mes dernières fouilles, M. Bourrinet indique qu'il n'a plus rien à chercher dans les Grottes de Teyjat.
En 1924, dès l'obtention de sa retraite, il vint se fixer à Périgueux, pour permettre à son plus jeune fils de compléter, en suivant les cours du lycée, des études commencées à l'école de Teyjat.
Il n'y resta pas inactif.
Non loin de Brantôme, à Tabaterie, commune de la Gonterie-Boulouneix, il continua des fouilles commencées avant la guerre et eut la joie grande d'associer à ses recherches, son gendre, M. Darpeix, professeur d'école primaire supérieur.
Hélas, c'est au cours de ces travaux qu'il sentit les atteintes du mal qui devait l'emporter. Après de longs mois de souffrances, supportées stoïquement, il s'éteignit le 25 août 1931.
Comme il alliait aux qualités de bonté, de générosité, de droiture, la modestie, il avait manifesté le désir d'avoir des funérailles très simples, sans fleurs, couronnes, ni discours.
Mais des amis pensèrent qu'ils n'iraient pas à l'encontre de sa volonté s'ils lui rendaient hommage en faisant apposer une plaque commémorative à l'entrée de la Grotte qui retint le plus sa persévérante attention.
Le dimanche, 7 juillet 1932, eut lieu l'inauguration de cette plaque.
Cette touchante manifestation, présidée par M. Mège, député de l'arrondissement de Nontron, réunissait dans la cour de l'école : M. le Conseiller d'arrondissement et M. Champarnaud, membres du Comité d'Honneur. M. le Maire de Teyjat, le Conseil municipal, le Comité actif, composé de M. Peyrony, Président ; M. Mousnier, Vice-président ; Madame Georgeval, Secrétaire et Madame Forestier, Trésorière, la famille, ainsi que les nombreux admirateurs de Pierre Bourrinet.
M. Peyrony, le distingué conservateur du Musée des Eyzies, prononça devant la foule émue et recueillie, le discours suivant :
Deuxième texte
 
Notre collègue, M. Pierre Bourrinet, instituteur en retraite à Périgueux, membre de la Société préhistorique française et de l’Institut international d’anthropologie, a été emporté, le 25 août dernier, à l’âge de 66 ans, par une longue et douloureuse maladie, qui, depuis plusieurs mois, le tenait éloigné de nos séances.
Originaire de Piégut il a vécu toute son existence en Périgord. Après avoir fait ses études à l’Ecole normale de Périgueux, de 1880 à 1883, il fut nommé dans le Nontronnais qu'il n'a pour ainsi dire pas quitté jusqu'en 1924, date de son installation à Périgueux, dans sa maison de la rue du gué de Barnabé, après qu'eut pour lui sonné l’heure de la retraite. C’est à Busserolles, où reposent plusieurs de ses enfants que, selon sa volonté, il a été inhumé.
Nous avons sous les yeux les états de services du fonctionnaire. Successivement instituteur à Busserolles, Montpon (où il ne fait que passer), Thiviers, La Gonterie-Boulouneix, il est appelé à Teyjat en 1893, il devait y rester plus de 30 années et se signaler comme un maître d’élite. Chargé en même temps du secrétariat de la mairie, il sut, dans l'exercice de ses délicates fonctions, se faire apprécier aussi bien de l'Administration que des habitants qui trouvaient toujours auprès de lui un accueil cordial. Très au courant des questions administratives, il mettait ses connaissances à la disposition de tous et la liste est longue de ceux qu’il obligea avec désintéressement.
Mais il pensait que la besogne normale terminée, on n'a pas accompli toute sa tâche. S'il fut un excellent maître il fut aussi un très bon fouilleur et préhistorien. Dès 1903, il a le désir de reprendre les fouilles faites en 1889 par Perrier du Carne, à la grotte de la Mairie, de Teyjat. Pour cela, il se renseigne auprès de moi qui avais découvert les premières gravures de la grotte ; nous devions rapidement devenir collaborateurs et amis. Sa tâche quotidienne achevée, il retrouvait sa chère grotte de la Mairie, qu'il devait fouiller complètement, et qui a donné de si remarquables documents, sur l'art paléolithique. Les premières découvertes sont signalées au monde savant lors du Congres préhistorique de France, tenu à Périgueux en 1905.
Rapidement, son esprit méthodique et ses dons d'observateur avisé font de lui un fouilleur habile et soigneux; le docteur Capitan, l’abbé Breuil et moi, rendrons hommage a ses qualités de méthode et de patience.
Entreprenant et persévérant, il poursuit ses recherches pendant plus de 10 ans et découvre, à Teyjat même, l’abri Mège qui devait donner une si belle industrie magdalénienne.
Il publie, avec nous trois, les résultats de ses travaux. Tous les préhistoriens connaissent les études portant la quadruple signature :
« Une station magdalénienne; Teyjat (Dordogne) » (Revue de l’Ecole d'anthropologie de Paris, juin 1906) ;
La grotte de la Mairie de Teyjat (Dordogne) ; fouilles d'un gisement magdalénien (Revue de l'Ecole d'anthropologie de Paris, mai 1908).
La pièce maîtresse de l'abri Mège, le Bâton de Commandement, est étudiée en 1909 dans la même revue, sous le titre : « Observations sur un bâton de commandement orné de figures animales et de personnages semi-humains ».
Les mêmes préhistoriens publient en 1912, à Genève : « Les gravures sur cascade stalagmite de la grotte de la Mairie, à Teyjat » (Congrès international d anthropologie et d’archéologie préhistoriques). Beaucoup plus tard, en 1929, dans le Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord (livraison de sept.-oct.), M. Bourrinet rendait compte de ses dernières fouilles à la grotte de la Mairie.
Poursuivant ses recherches en Nontronnais, de 1906 à 1914, il explore la grotte des Grèzes, commune de Lussas-Nontronneau, très intéressant gisement moustérien qui a fait l’objet d’un mémoire inséré dans le Bulletin de notre Société en 1913 ; il fouille Sandougne et l'abri Brouillaud à Tabaterie, commune de La Gonterie-Boulouneix. Ces gisements, étudiés comme celui des Grèzes en collaboration avec moi, ont fait l'objet d'un très intéressant travail, qui, pour diverses raisons, n'a été publié qu'en 1928.
Les soucis d'ordre professionnel et la complexité des problèmes administratifs à résoudre durant la guerre, devaient suspendre pen¬dant plusieurs années, les travaux scientifiques de notre collègue. Il se faisait une joie, au moment de sa mise à la retraite, alors qu'il était encore en pleine période d'activité physique et intellectuelle, de pouvoir désormais se consacrer à des recherches qui avaient été la passion de sa vie. Retiré à Périgueux, il fouilla, en collaboration avec son gendre, notre collègue M. A. Darpeix, le gisement magdalénien de la Forge, commune de Plazac, dont l’industrie n’a pas été encore publiée. Puis ils reprirent les fouilles de la Tabaterie. Pas pour longtemps hélas ! La campagne de 1929 fut la dernière qu’il ait pu diriger. C’est au cours de l’été 1929 qu’il eut la joie d’extraire un « trophée de bison »  que les inventeurs ont offert au Musée du Périgord. M. Bourrinet avait donné également au musée le moulage du bâton de commandement de l’abri Mège ainsi que la plaquette donnant le développement de ce bâton. L’original de cette pièce unique est au musée de Saint-Germain ainsi que l’essentiel des objets provenant de Teyjat.
Son esprit d'observation lui avait permis de remarquer dans ses séries de Tabaterie un nombre important de « burins moustériens » considérés jusqu'alors comme déchets de taille ou de débitage. Il en fit une communication avec M. Darpeix et moi, au Congrès international d'anthropologie et d'archéologie préhistoriques du Portugal en 1930.
Les savants, les touristes, les amis de M. Bourrinet n'oublieront pas sa courtoisie, l’obligeance et la compétence avec lesquelles il faisait visiter les gisements qu'il fouillait et ses collections. Découvreur de « vénérables reliques », il en parlait avec autorité, enthousiasme et presque avec tendresse.
Très assidu à nos réunions, esprit curieux et ouvert, il s’intéressait vivement à tous nos travaux. On pouvait espérer qu’il représenterait longtemps encore dans notre Société les études préhistoriques. Il disparaît prématurément et sa perte est vivement ressentie par tous ceux qui, l’ayant connu et apprécié, garderont le souvenir d’un chercheur modeste et averti, d’un homme obligeant et de bon conseil.
 
D. PEYRONY
Qui découvrit les gravures de la grotte de la mairie?
S'il est permis de risquer une hypothèse, j'en propose une qui me semble vraisemblable:
Au cours de l'été 1903, Pierre Bourrinet reprend l'exploration de la grotte préalablement fouillée par Perrier du Carne et qu'il sait avoir été occupée par des magdaleniens. C'est alors qu'il croit décèler des fragments de gravures et qu'il contacte le conservatoire des Eyzies. Denis Peyrony se rend sur place et confirme la découverte, se l'attribuant au passage. Pierre Bourrinet, modeste et désintéressé comme le décrit Peyrony lui-même, ne proteste pas. Il est même peut-être flatté de devenir le collaborateur de préhistoriens renommés tels que Breuil, Capitan et Peyrony avec qui il signera de nombreux articles. En somme, une petite entorse à l'histoire où tout le monde trouva son compte...
 
Libre à chacun de se faire une opinion, à partir des textes présentés et peut-être à la lumière d'autres éléments encore à découvrir.
Cliquer sur l'image pour voir la brochure complète transcrite dans le premier texte
Selon la version officielle, les gravures furent découvertes par Denis Peyrony en 1903, puis Pierre Bourrinet fouilla la grotte sous la direction de Peyrony et découvrit d'autres gravures et un important mobilier. (http://fr.wikipedia.org/wiki/Grotte_de_la_Mairie)
 
Pourtant, on ne sait pas précisément si c'est Pierre Bourrinet ou Denis Peyrony, le conservateur du musée des Eyzies, qui découvrit le premier les gravures de la grotte de la Mairie et les textes reproduits ci-dessous amènent à se poser quelques questions.
 
Le premier texte est tirée de la plaquette éditée en 1932 par le comité Pierre Bourrinet (Bergerac imprimerie la semeuse, 1932, in-8° de 11 pages)
Sous couvert de faire l'éloge de Pierre Bourrinet, Denis Peyrony adopte à son égard un ton condescendant qui laisse une impression mitigée.
D'autre part, il y raconte en détail l'épisode de la découverte: en septembre 1903, en l'absence de Bourrinet, qui par coïncidence, est justement parti aux Eyzies, Peyrony visite la grotte et y découvre la cascade stalagmitique ornée.
Est-il vraisemblable que Pierre Bourrinet, préhistorien déjà expérimenté, soit passé à côté? Pourquoi serait-il précisément parti aux Eyzies sans avoir pris un rendez-vous préalable avec M. Peyrony?
 
Dans le second texte, (en fait antérieur au précédent), une nécrologie publiée dans le bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord de 1931, Peyrony donne une version quelque peu différente: Bourrinet désire reprendre les recherches dans la grotte et se renseigne auprès de Peyrony qui y avait découvert les gravures.
 
Le troisième texte est du célèbre préhistorien charentais Gustave Chauvet. Il relate dans le bulletin de la société historique et archéologique de la Charente sa visite de la grotte en compagnie de Pierre Bourrinet le 26 novembre 1903.
Il apporte une vision neutre sur la découverte des gravures mais étonnamment, il ne donne pas le nom de l'inventeur. Il dit seulement que c'est Peyrony qui fit nettoyer les plaques stalagmitiques après que "furent aperçus" quelques traits de la tête du boeuf.
 
Bien sûr, M. Peyrony est le conservateur du musée des Eyzies et M. Bourrinet un modeste instituteur de campagne. Ce ne serait certes pas la première fois qu'une découverte échappe à son inventeur pour être attribuée à une personnalité plus réputée.
A ma connaissance pourtant, Pierre Bourrinet n'a jamais revendiqué la découverte.
A LA MEMOIRE DE BOURRINET PIERRE
1865-1931
INSTITUTEUR A TEYJAT DE 1893 A 1924
EXPLORATEUR DE LA GROTTE DE LA MAIRIE
ET DE L’ABRI MEGE
COLLABORATEUR DE MM. L. CAPITAN
H. BREUIL ET PEYRONY
SES AMIS
 
LE COMITÉ :
PEYRONY, Président
MOUSNIER, Vice-Président.
L. GEORGEVAL, Secrétaire   M. FORESTIER, Trésorière.
Troisième texte
 
Il y a quelques semaines, les journaux de Nontron  ont parlé d’une grotte située à Teyjat près de la station de Javerlhac (Dordogne) dans laquelle avaient été signalées des gravures sur roches identiques à celles signalées aux environ des Eyzies. Le 26 novembre dernier (1903) je suis allé à Teyjat, et grâce à l’obligeance de M Bourrinet, instituteur, j’ai pu visiter les curiosités du bourg.
La grotte de la mairie, à côté de la maison d’école, est connue depuis plusieurs années ; elle a été fouillée en 1889 par M Perrier du Carne, alors notaire à Angoulème ; il y trouva une soixantaine de silex taillés, lames, grattoirs, burins et poinçons ; des os travaillés, débris de lances, harpons et lissoirs et enfin, gravures sur bois de renne figurées dans son mémoire …
A 10 mètres environ de l’entrée actuelle de la caverne, tout près de la tranchée faite par M Perrier du Carne, se trouve une dalle irrégulière de stalagmite feuilletée, épaisse sur certains points de 0 m10…
Lors de la visite de M Peyrony (août 1903) d’après les renseignements qui m’ont été fournis sur place, la partie horizontale de la stalagmite était couverte d’une mince couche argileuse mêlée à divers débris de roche ; la partie verticale de l’une des plaques était la seule visible ; c’est sur cette partie, après avoir vainement cherché ailleurs, que furent aperçus quelques traits de la tête du bœuf dont il va être question.
M Peyrony fit alors nettoyer, laver et brosser toute la surface des plaques stalagmitiques et de nombreux dessins gravés furent mis à jour.
Accueil
Mes Chers Amis,
Vous m'excuserez, si j'emploie ce mot, mais ne dit-on pas couramment que les amis de nos amis sont nos amis? et Pierre Bourrinet, dont le souvenir est aujourd'hui présent dans tous les cœurs, en était un, pour vous et pour moi, dans toute l'acception du mot.
Je dois excuser d'abord, MM. le Sénateur Sireyjol ; Roques, Inspecteur d'Académie; le Sous-Préfet; Lathière-Lavergne, Conseiller Général; de Fayolles, Président de la Société Historique et Archéologique du Périgord, que je suis chargé de représenter, Ameline, Président de la Ligue d'Action Laïque et l'Inspecteur Primaire de Nontron, qui, pour diverses raisons, n'ont pu se joindre à nous.
Je remercie tous ceux qui ont répondu à l'appel du Comité, pour honorer la mémoire de celui que nous aimions et estimions en commun. Je ne vous parlerai pas de sa carrière d'instituteur. D'autres, plus qualifiés que moi, pourraient en dire tout le bien qu'ils en pensent. Je me bornerai à vous présenter l'œuvre scientifique et désintéressée du modeste chercheur qui, son devoir accompli, ne croyait pas sa tâche terminée.
C'est en septembre 1903 que, renseigné par M. l'abbé Breuil, qui l'avait été par notre éminent et regretté maître, le Père E. Cartailhac, je vins, pour la première fois à Teyjat, explorer la Grotte de la Mairie.
Je ne connaissais pas Bourrinet, mais, instituteur comme lui, j'allai frapper à sa porte. Madame Bourrinet me reçut et m'apprit que son mari était parti le matin même pour les Eyzies pour s'initier auprès de moi aux secrets de la préhistoire. Nous nous étions croisés en chemin.
En son absence, je visitai la caverne ; j'eus la chance et le vif plaisir d'y découvrir, ce jour-là, les belles gravures d'animaux qui décorent la cascade stalagmitique.
À dater de ce moment, sur mes conseils, Bourrinet commence l'exploration du sol de cette grotte et en même temps de l'Abri Mège tout voisin.  Son esprit méthodique et ses dons d'observateur avisé, font de lui un fouilleur habile et soigneux. Aussi devient-il très vite l’associé de la Firme Scientifique Capitan, Breuil, Peyrony. Les premières découvertes sont signalées au monde savant, au Congrès Préhistorique de Périgueux en 1905. Persévérant, il poursuit ses recherches ici même pendant plus de dix ans et découvre des documents remarquables sur l'art et l'industrie de nos lointains ancêtres magdaléniens.
Ses travaux terminés, nous en publions ensemble les résultats. Tous les préhistoriens connaissent les études portant les quatre signatures : Une station magdalénienne à Teyjat — L'Abri Mège — Revue de l'Ecole d'Anthropologie, 1906. La Grotte de la Mairie à Teyjat (Dordogne). Fouilles d'un gisement magdalénien. — Revue de l'Ecole d'Anthropologie, 1908. La pièce maîtresse de l'Abri Mège est étudiée dans la même Revue, en 1909, sous le titre de: « Observations sur un bâton de commandement orné de figures animales et de personnages semi-humains ».  Les mêmes préhistoriens publient au Congrès Interna¬tional de Genève en 1912: « Les gravures sur cascade stalagmitique de la Grotte de la Mairie à Teyjat ».
Beaucoup plus tard, en 1929, Bourrinet rend compte de ses dernières fouilles dans cette caverne, à la Société Historique et Archéologique du Périgord.
Poursuivant ses recherches dans le Nontronnais, de 1906 à 1914, il explore la Grotte des Grèzes, à Lussas-Nontronneau ; il fouille Sandougne et Tabaterie, commune de La Gonterie-Boulouneix. Ces gisements, étudiés en collaboration avec moi, ont fait l objet de mémoires publiés en 1913 et en 1928.
Lors de sa mise à la retraite, il se faisait une joie, alors qu’il était encore en pleine activité physique et intellectuelle, de pouvoir désormais se consacrer entièrement à des travaux qui avaient été la passion de sa vie. Retiré à Périgueux, il fouilla, en collaboration avec son gendre M. Darpeix, le gisement magdalénien de La Forge, commune de Plazac ( Dordogne). Puis ils reprirent les fouilles de Tabaterie. Pas pour longtemps, hélas ! La campagne de 1929 fut la dernière qu'il put diriger. C'est au cours de l'été de cette année-là qu’il eut la joie d'extraire un « trophée de bison », que les inventeurs offrirent au Musée du Périgord. Bourrinet avait également donné à ce Musée le moulage du bâton de commandement de l'Abri Mège dont l'original est au Musée des Antiquités Nationales de Saint-Germain-en-Laye avec l'essentiel des objets provenant de Teyjat. Son esprit d'observation lui avait permis de remarquer dans ses séries de Tabaterie, des « burins moustériens» considérés jusqu'alors comme déchets de taille ou pièces brisées. Il en fit une communication avec M. Darpeix et moi au Congrès International du Portugal en 1930. C’est son dernier travail.
 
Voilà l'œuvre scientifique de celui dont nous honorons aujourd'hui la mémoire.
Cette plaque, que nous lui dédions et que nous inaugurons, sera placée sous la sauvegarde de la  Municipalité et de ses amis de Teyjat. Elle montrera aux générations présentes et futures ce que peuvent la volonté, la persévérance, la méthode, le soin, l'observation et le jugement, qualités maîtresses de l'ami que nous regrettons tous.
M. Faure, Maire de Teyjat, prit ensuite la parole pour associer toute la population de la commune à l'hommage rendu à Bourrinet, «le maître respecté de nombreuses générations d'élèves qui ne l'ont pas oublié ».
Au nom de la commune de Teyjat, dit M. Faure, je tiens particulièrement à remercier les organisateurs de la cérémonie d'aujourd'hui, ainsi que les généreux donateurs qui ont permis la pose de cette plaque à la Grotte de Teyjat pour perpétuer la mémoire de Pierre Bourrinet.
« J'accepte le marbre gravé en la mémoire de Pierre Bourrinet et tous les habitants de la commune se feront un honneur d'en assurer la garde ».
Dans une allocation très applaudie et toute spontanée, M. Mège, retrace la vie de Pierre Bourrinet. Il évoque son enfance laborieuse, sa jeunesse à l'Ecole Normale où son intelligence souple attirait déjà sur lui l'attention de ses maîtres. M. Mège, rappelle que M. Pierre Bourrinet fut pour lui le premier maître dont il ait gardé le souvenir ; sa grâce amène, sa cordialité, son affabilité attiraient à lui toutes les sympathies, en même temps que ses hautes qualités morales lui valaient bientôt l'estime générale. Noble cœur, dévoué à tous, Pierre Bourrinet trouva bientôt un élément à ses vertus, lorsque éclata à Teyjat vers 1905, une terrible épidémie qui apporta la désolation dans les foyers ; c'est alors qu'il se prodigua sans crainte au chevet des plus miséreux, apportant des médicaments, des conseils éclairés, et avec tous les soins, le réconfort de ses encouragements réfléchis et de sa présence rassurante.
Tant de mérites eurent leurs échos au Ministère de l'Intérieur, et bientôt il eut la joie de se voir décerner la médaille des épidémies, récompense des Héros Civiques.
Travailleur acharné, après l'accomplissement des devoirs de sa charge, il s'adonne bientôt aux recherches archéologiques.
Nous le voyons, tour à tour, élève attentif, disciple convaincu, collaborateur précieux de notre éminent ami Peyrony, qui, dans un aperçu saisissant vient de nous redire l'œuvre considérable de Pierre Bourrinet.
Puis, adressant à toute la famille présente, ses condoléances émues, « il y a, dit l'orateur, des hommes qui en disparaissant ne sont pas seulement une perte pour le cadre affectueux de leur entourage, mais pour le pays tout entier.
Je salue en Pierre Bourrinet, le fils du Périgord, dont il incarna les plus brillantes vertus, le maître qui fut un exemple de conscience professionnelle, et l’éminent archéologue ».
Un vin d'honneur offert par le Comité, groupa ensuite dans la salle qui sert de Mairie, les amis et les admirateurs de celui que ses travaux, ses recherches couronnés de succès, ont fait ranger parmi les savants préhistoriens tels que Capitan, Breuil et Peyrony.
La cérémonie se termina par la visite de la Grotte qui, depuis des milliers et des milliers d'années, garde dans son sein, douze panneaux gravés.
Avant de quitter ce petit bourg de Teyjat surplombé d'opulente verdure et qui semblait dire à tous : « Vous venez de rendre à Pierre Bourrinet le seul hommage qu'il eût souhaité », le Comité actif se réunit et décida de faire éditer une plaquette destinée à compléter ces mots de la plaque :
Les recherches effectuées à l'occasion de la rédaction du livre de J-M Warembourg "Pierre Bourrinet et l'histoire des découvertes archéologiques à Teyjat" (juin 2017) ont grandement complété nos connaissances sur Pierre Bourrinet et l'histoire de la découverte des gravures. Cet article fera ultérieurement l'objet d'une refonte complète.