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Dolmen de Mané-Kerioned, en Bretagne: une analogie troublante des modes de construction...
Ce qui frappe d'emblée lorsqu'on découvre ce pont, c'est la dimension des blocs de pierre qui ont servi à le construire. On ne peut que s'interroger sur les raisons d'un tel choix. Il est vrai que la pierre  ne venait pas de loin: on peut encore deviner un peu au dessus du pont, le site d'où la pierre  a été extraite. Il s'agit d'une sorte de grès rougeâtre.
Les blocs sont appareillés sans mortier et évoquent certaines constructions antiques, plus exactement la technique utilisée pour édifier les dolmens, si bien que certains n'hésitent pas à faire remonter la construction de ce pont au moyen âge, voire à l'époque gauloise et pourquoi pas, à l'époque des mégalithes (3500 av JC)?
Ce n'est pas l'avis de Pierre Pélissier qui rapporte cette histoire:
A une époque indéterminée mais pas très lointaine (les personnes qui ont raconté cette histoire à Pierre Pélissier auraient aujourd'hui environ 120 ans), une veuve, la mère Chambige, aurait fait construire le pont pour permettre un accès plus facile à ses prairies (aujourd'hui boisées) situées de l'autre côté du ruisseau.
Le ruisseau en question, petit affluent du Marcorive, n'est qu'un bien mince filet d'eau, mais il a creusé en cet endroit argileux, près du lieu-dit Pisse Roussine, une sorte de gorge étroite profonde de deux à trois mètres, impossible à franchir pour un attelage.
Pour sortir le foin de ses prairies, le ruisseau obligeait la mère Chambige à faire un long détour et à passer sur les terres des voisins, ce qui provoquait de continuelles difficultés.
Désirant éviter ces inconvénients à ses enfants, plutôt que de leur laisser un héritage, elle décida d'utiliser les économies de toute sa vie à la construction de ce pont.
Il existe à Teyjat une construction insolite, connue des chasseurs mais  peu connue des habitants eux-mêmes car perdue au milieu des bois: il s'agit du pont de Chambige (ou de la Chambigeaude). C'est une construction rustique, en pierre, constituée d'un assemblage "à sec" de gros blocs de grès.
En découvrant ce site, on ne peut manquer de se poser des questions:
- De quelle époque date cette construction?
- Dans quel but ce pont qui semble ne mener nulle part a-t-il été construit?
Le pont de Chambige
coupe approximative du pont
Les archives sont malheureusement muettes et ne permettent pas d'apporter des réponses à ces questions.
Le pont ne figure pas sur le cadastre de 1826, pas plus qu'on ne trouve trace d'un quelconque chemin qui aurait pu passer à cet endroit. A cette époque, les terres alentour, bien qu'en pente, étaient des terres labourées.  
Si ce pont est de construction ancienne et était établi sur un chemin de quelque importance, ce chemin aurait donc été abandonné et oublié déjà en 1826 ? Ceci plaiderait en faveur d'une construction relativement récente du pont.
Pour autant, le fait que ni le pont , ni aucun chemin d'accès ne figurent sur le cadastre de 1826, ne signifient pas nécessairement que le pont n'existait pas.
La question de la "technologie" du pont reste ouverte. Le pont semble démesuré pour le passage d'une simple charrette à foin; il paraît avoir été conçu pour supporter de très lourdes charges. On peut penser à des convois de minerai de fer, des minières étant exploitées dans les environs depuis l'époque gallo-romaine.  
Quant à l'origine du nom Chambige, on ne trouve pas ce patronyme dans les BMS de Teyjat et, par ailleurs, Chambige est un patronyme très rare, dont l'origine semble-t-il, se situe en Corrèze. D'après les estimations du site linternaute, il n'y aurait que 33 personnes à porter ce nom en France (2009). En revanche, on trouve mentionné dans les BMS de Teyjat, à la date du 18 brumaire an VII (8 novembre 1797) Jean Laurand, dit Chambige, 35 ans, charpentier habitant Chauffour. Or le pont de Chambige n'est pas très éloigné de Chauffour.  
Il s'agirait donc vraisemblablement d'un surnom. Ceci ne nous aide pas à retrouver la trace de cette mystérieuse mère Chambige ni à déterminer l'âge de cette construction si atypique.
Par ailleurs, on peut mentionner aussi un lieu-dit "chez Chambige" sur la commune de Vayres, près de Rochechouart. Chambige, qui signifie courbe ou cintré désigne aussi un type d'araire à timon recourbé mais ceci ne nous éclaire pas sur notre pont!
Un peu de technique:
Le pont  ne possède pas de voute. Il est constitué de gros blocs de pierre disposés verticalement sur lesquels reposent 5 pierres alignées disposées transversalement en formant la base du tablier. Ce mode de construction fait penser de façon troublante aux assemblages de pierres qu'on trouve par ailleurs dans les dolmens.
Le tablier a une épaisseur totale d'environ 1,80 m.
L'ouverture pour le passage de l'eau a une largeur d'environ 1 m à la base  et une hauteur de 1,20 m.
L'une des plus grosses pierres verticales a une longueur de 1, 40 m, une épaisseur de 0,50 m et elle dépasse de 1, 20 m au dessus de l'eau. Si on suppose qu'elle est enfoncée de 0,50 m dans le sol, son poids doit donc approcher les 3 tonnes.
La largeur du pont est de 3,30 m, sa longueur d'environ 7 m.
Une construction menacée?
Comme on le voit sur les photos ci dessus, les pluies de l'hiver dernier ont accumulé des branches et matériaux divers en amont du pont, obstruant presque le passage de l'eau. Il serait très dommage qu'une prochaîne crue, en bouchant le passage de l'eau, ne risque d'endommager, voire de détruire ce pont qui a surement beaucoup de choses à raconter.  
Avis aux spécialistes!
mai 2010
Dernières informations (avril 2016)
 
Les premières matrices matrices cadastrales de Teyjat, établies en 1791 et récemment retrouvées dans les archives de la mairie de Teyjat, révèlent l'existence à Chauffour, d'une certaine Catherine Monmerle, épouse de Laurent Chambige.
Cette Catherine Monmerle possédait 5 propriétés, la première (B 757) est une terre de 0,53 ha au lieu dit "les Buissons", la deuxième (B 832) est une maison à Chauffour. Quant aux 3 autres propriétés, nous n'en connaitrons pas la nature, l'état de la section B (de Chauffour) est incomplet. Tout ce qu'on peut en dire d'après le montant du revenu de ces parcelles, c'est que ce n'étaient pas des surfaces importantes.
Les recherches d'état civil sur "Chambige" étant infructueuses et forts de ces renseignements, en faisant une recherche sur "Monmerle", nous retrouvons l'acte de mariage de Catherine Monmerle et de Simon Laurent dit Chambige, le 5 février 1771 à teyjat.
Comme nous le supposions, Chambige n'était pas un patronyme mais un surnom.
(merci au passage au site Internet Perigen.fr qui facilite beaucoup les recherches généalogiques sur la Dordogne)
 
Il ressort de cette découverte que l'histoire racontée par Pierre Pélissier prend de la consistence. Catherine Monmerle, épouse de Simon Laurent dit Chambige, est décédée le 17 octobre 1828. Si c'est bien elle qui fit construire ce pont, nous pouvons donc en dater la construction au début XIXème.
Nous pouvons continuer de rêver à un pont fait par les néolithiques, les gaulois ou les hommes du moyen-âge mais la réalité pourrait bien être plus prosaïque.
 
à suivre...
Cette histoire est plausible mais elle pose d'autres questions:
- Qu'est-ce qui a bien pu pousser la mère Chambige (si c'est bien elle qui fit construire ce pont) à commanditer un ouvrage de cette importance pour passer un aussi petit ruisseau ?  
- Pourquoi un tel travail pour un aussi petit profit ? Deux bastaings ou deux troncs d'arbre jetés par-dessus le ruisseau auraient aussi bien fait l'affaire! Il faut dire que le concept de retour sur investissement ne dirigeait pas encore le monde !
- D'où vient ce nom de Chambige, dont on ne trouve pas trace dans l'état civil de Teyjat, aussi loin qu'on puisse remonter?