18 février : Election de Officiers Municipaux par les « citoyens actifs ». Le vote a lieu à l'église.
« On a fait l'appel nominal de chaque citoyen actif pour écrire sur le bureau ou faire écrire chacun son billet par lesdits scrutateurs. »
Masfrand, est élu maire au premier tour par 26 voix sur 37 votants. Les officiers municipaux ne recueillent pas de majorité au premier tour. Au second tour, qui a lieu 2 heures plus tard, André Bernard, dit Piolée, Antoine Macari, Jean Boniton, dit Janot, André Dapien, dit Brunet et François Bernard, dit Bujou, Jean Marvaud, dit Ménager sont élus officiers municipaux, François Desmoulins, dit Brenier, est procureur de la commune.
L'élection de 12 notables a lieu le dimanche suivant « à l'issue de la messe ». Sont élus M le curé (Lacroix) par 30 voix sur 37 votants, puis le sieur d'Autherive, 26 voix, François Nadaud, 24 voix, Jean Marvaud, le sieur Beyli, Antoine Desmolin, Mathieu Laurençon, Jean Delesport, François Bernard, Pierre de Lavallade, Pierrre Laurent, Géral Garene.
Enfin, François Dapien est élu secrétaire greffier.
20 février :
Le curé Lacroix est tenu de déclarer ses revenus devant les officiers municipaux, conformément au décret de l'assemblée nationale du 13 novembre dernier.
Le revenu de M le curé consiste en la moitié des dîmes de la paroisse, l'autre moitié appartenant au seigneur suzerain à charge que celui-ci reverse 300 livres au curé.
La moitié des dîmes se compose en année moyenne de :
47 septiers de froment
25 septiers de seigle
7 septiers d'avoine
300 bottes de paille
25 sacs de ‘bled d'Espagne' (maïs)
32 barriques de vin rouge et blanc
50 livres de chanvre
60 livres de laine
M le curé dispose aussi d'une maison, grange, écurie et terre qui lui procurent 80 livres de revenus.
Côté dépenses, le curé verse 223 livres de décimes, dépense annuellement 150 livres pour l'entretien de ses propriétés et de l'église et du presbytère et il a offert 200 livres de don patriotique pour les besoins de l'état.
9 mai : taxation du pain et du vin.
Vin vieux : 14 sols la pinte
Vin nouveau blanc et rouge : 7 sols la pinte
Pain en toute sa fleur : 4 sols
Pain méture : 3 sols 6 deniers
On distingue les électeurs éligibles et les électeurs non éligibles. Ils sont 79 éligibles ; on trouve parmi eux de La Croix curé et de la Croix vicaire, oncle et neveu, Jean Bonithon, François Bernard ‘colon' et François Bernard dit ‘bujou', Jean et Joseph Labrousse de Vaubrunet, André Dapien… et 20 non éligibles parmi lesquels Pierre Macari, Jean Bernard dit Picote fils.
9 juillet : François Bernard, « l'un de nos officiers municipaux dit et expose que le 4 juillet, issue de messe, le nommé Bertrand Sala, du village de Lauterie, se serait permis en place publique et notamment parlant à Monsieur le mère (sic), que mois François Bernard était un coquin, sur cela Monsieur le mère (resic) lui a répondu que ce n'étoit pas de la manière qu'un citoyen actif devait héler un officier municipal... ». Jean Bonithon, habitant du moulin de Teyjat, vient témoigner « âgé d'environ 26 années déclarant connaître les deux parties n'être ny parent ny allié ny ennemi a déposé somèrement et avec vérité que le quatre du courant quelques temps apprès vespres, il a entendu le nommé Bertrand Sala qui a dit en place publique que le nommé François Bernard l'un de nos officiers municipaux était un coquin ... ».
Il signe sa déclaration « Bozeuithow ».
Nous n'en sommes qu'au début de la révolution et cette grave affaire d'insulte à un représentant de la toute nouvelle autorité se termine assez bien, Bertrand Sala est « condamné à venir le dimanche prochain déclarer en place publique, à haute et intelligible voix que méchamment il a traité ledit François Bernard de coquin, que au contraire, il le connaît pour un homme de probité et lui fait pour réparation d'honneur excuse ». On peut frémir du sort qui aurait été réservé à Bertrand Sala quelques années plus tard !
Le 16 septembre 1790 a lieu l'adjudication des « noix du simetière » au plus haut et dernier enchérisseur. Le marché est emporté par « Jean Bonithon, aubergiste du présent bourg, moyennant la somme de 4 livres 5 sols ... ».
14 juillet , fête de la fédération : une affaire d'importance éclate. Il s'agit en effet de savoir, dans le différend qui oppose le sieur Bosselut au commandant de la garde nationale Lagrange, si le sieur Bosselut a levé ou non son chapeau et s'il l'a levé de la manière qui convient en prêtant serment.
L'affaire mobilise pendant 3 mois les officiers municipaux qui auditionnent 8 témoins en plus du plaignant et noircissent une bonne douzaine de pages des registres.
Le 1er août, donc une quinzaine de jours après les faits, audition du plaignant François Bosselut qui dépose plainte contre le sieur Lagrange, qui l'a jeté injustement en prison.
« Je demande, messieurs, si le décret du serment donne le pouvoir au commandant de la troupe de faire violance à toute personne qui c'est présenté de bonne volonté et si le décret porte que toutes personnes sont obligée de lever leur chapeau au bout d'un baton … M Lagrange fils en m'otant mon chapeau de dessus ma tête me dit que j'été foutu pour oter mon chapeau et moi je lui répondit la même chose… voilà messieurs la prétendue insulte faite à son fils… »
Suit la déposition des sieurs Lagrange, père et fils :
« … le sieur Bosselut ses présenté le 14 juillet à l'assemblée … a dit ‘sy j'avait seu, je ne serais point venu' ; quelqu'un lui dit ‘allez dont préter votre serment' il répliquat que sy il n'y avait pas assez d'un serment, qu'il en donnerait quatre… »
Comme on l'oblige à faire le serment « vive la nation, la loy et le roy » il le fait « avec un air rempli de furie » On lui fait alors remarquer : « lorsque vous parlait de l'auguste asemblée nationale, vous devait auter votre chapeau » il réplique « que personne n'étoit f pour luy faire oter son chapeau… »
Pour faire bonne mesure, le sieur Lagrange fils ajoute que « le sieur Bosselut a été de tout temps un homme à troubler le repos » et son père signe :
Le 9 septembre François Bosselut qui dit être à même de produire les preuves de ce qu'il avance produit quatre témoins, entendus par le procureur Desmoulin.
D'abord Léonard Nadeau, domestique de Jean Bonithon:
« le déposant s'aperçut bien que le sieur Bosselut n'avoit pas levé la main (pour le serment) mais bien pris son chapeau à la main et le mis bas et de suite le remis sur sa tête… le sieur Lagrange fils s'est approché du sieur Bosselut et lui a levé son chapeau de dessus sa tête à quoi lui a répondu le sieur Bosselut qu'il n'étoit pas foutu pour lui oter son chapeau de dessus sa tête et au même instant le sieur Lagrange père a ordonné au fusilier d'arrêter le sieur Bosselut et de le conduire en prison… »
Le second témoin, Antoine Macary, officier municipal, prétend que Bosselut a bien prêté serment en enlevant son chapeau à la demande de ‘Jano' Bonithon et qu'ensuite Lagrange fils lui prit son chapeau en disant que ce n'était pas suffisant et qu'il fallait le mettre au bout d'un bâton. Il s'ensuit un échange de propos sans doute un peu virils et Lagrange fils, se disant insulté, veut mettre ledit Bosselut en prison, ce qui fut fait avec le concours de Lagrange père et malgré les réticences de la garde. « Les fusiliers obéyrent et prirent au colet le plaignant et le traînèrent dans la maison de Jean Moreau, aubergiste du bourg… »
Le troisième témoin Antoine Gautier sieur des Planes habitant le Forestier, confirme à peu près les propos de Antoine Macary mais en insistant davantage sur le comportement de Jean Bonithon qui a indigné le témoin au même titre que le comportement des Lagrange.
Le quatrième témoin est Louis Nadeau, marguillier habitant chez Galié.
Les officiers municipaux sont dans l'embarras : « Paraissant qu'un des officiers municipaux y est compromis et que l'autre a servi de témoin, il est de la prudence de la municipalité de s'abstenir de la connaissance de cette affaire et de la renvoyer à messieurs du directoire du département. » 26 septembre : Jean Reithier (Lagrange) demande et obtient l'autorisation de faire une contre-enquête et de produire ses propres témoins. 10 octobre : Audition des témoins de Lagrange. Premier témoin, Jean Bonithon, maréchal Il dépose « que le 14 juillet dernier, jour de la Fédération, il s'est aperçu que le sieur de Lagrange, commandant de la garde nationale, étant à la tête de sa troupe, il avait invité tous les bons citoyens à prêter le serment d'être fidèles à la Nation, à la Loi et au Roi, ce qui se serait très bien exécuté et à la fin de l'opération la troupe s'est aperçue de l'arrivée du sieur Bossebut, le sieur commandant a quitté sa troupe, a été au devant du sieur Bossebut et l'a invité le plus honnêtement que possible lui a été de faire le serment comme les autres. Le sieur Bossebut s'est présenté avec un air à déplaire à (troupes ?), le sieur Lagrange fils et lieutenant de la garde nationale, craignant que la troupe ne se porta à quelque excès de violence envers le sieur Bossebut ... le porta à prier le sieur Bossebut de faire comme les autres avaient fait, de lever son chapeau. Ce à quoi le sieur Bossebut s'est refusé et le sieur Lagrange fils, s'apercevant du murmure de la troupe contre le sieur Bossebut à l'instant le sieur lieutenant de la garde nationale a levé le chapeau du sieur Bossebut de dessus sa tête ... ». Il signe « Bonnithon deposent ». Un second Bonithon témoigne dans cette affaire, il s'agit de Jean Bonithon, 50 ans, habitant du bourg et officier municipal, il déclare avoir « invité honnêtement et même lui avoir touché son chapeau sans le lui lever de dessus sa tête et le sieur Bossebut n'a rien dit au déposant ... ». Quand le commandant Lagrange lui fait la même invitation, il répond « que ce n'étoit pas à un homme de son espèce à lui faire oter son chapeau de dessus sa tête et qu'il n'étoit pas foutu pour cela faire… » Troisième témoin, jean Lidonne maître menuisier à Caillaud. Il dépose qu'en réponse au commandant qui lui demande de prêter serment, François Bosselut répond : « faite moy voir vos paparasses, après que je les auroit lue je le dirai si je veux ». Menacé d'être jeté en prison le même François Bosselut répond : « qu'il se foutait de la prison comme de luy. » Invité ensuite à sortir de sa ‘prison', il répond « qu'il sortiroit quand il voudroit ». Quatrième témoin, Jean Moreaud, l'aubergiste-geolier. Il a vu chez lui le sieur Bosselut avec quatre fusiliers. Ensuite, « Janot (Bonithon) s'est rendu chez lui et a voulu venger ( ?) le sr Bosselut avec le sr commandant en leur offrant de les faire boire ensemble, à quoi le sr Bosselut c'est refusés en disant pour final qu'il se foutoit du commandant de la garde nationale… » Il n'y a pas d'épilogue à cette histoire, l'affaire a dû en rester là. Elle est néanmoins représentative des tensions à cette époque et des clivages politiques qui apparaissent. Beaucoup des protagonistes de l'affaire y compris le récalcitrant sieur Bosselut deviendront par la suite conseillers municipaux. Le 11 novembre a lieu le renouvellement partiel du conseil et des citoyens notables, Jean Bonithon, fils aîné devient notable, Jean Bonithon, dit Janot, est toujours membre du conseil.